Contrairement aux idées reçues, le divorce pour faute n’a pas disparu du paysage juridique français. Il s’agit d’une procédure toujours en vigueur, permettant à un époux de mettre fin au mariage lorsque son conjoint a gravement manqué aux devoirs du mariage. Longtemps perçu comme une voie douloureuse, le divorce pour faute reste une réponse légale aux situations où le lien conjugal a été compromis par des comportements inacceptables. Voici un tour d’horizon en cinq questions pour comprendre les contours de cette procédure particulière.
1. Quelles sont les conditions pour demander un divorce pour faute ?
Le divorce pour faute est régi par l’article 242 du Code civil, qui stipule :
« Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
Deux conditions doivent donc être réunies :
- Une violation grave ou répétée des devoirs du mariage (fidélité, assistance, respect, etc.) imputable au conjoint.
- Une situation rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Le juge aux affaires familiales apprécie souverainement la gravité des faits et leur impact sur la vie conjugale. Il est important de noter que des fautes réciproques peuvent conduire à un divorce aux torts partagés. De plus, une faute peut être excusée si elle résulte du comportement de l’autre époux.
2. Quels sont les devoirs conjugaux protégés par la loi ?
Les devoirs conjugaux sont définis par les articles 212 à 215 du Code civil :
- Fidélité : les époux doivent être fidèles l’un envers l’autre.
- Assistance : ils se doivent mutuellement aide et soutien dans les épreuves.
- Respect : le respect mutuel est une obligation fondamentale.
- Communauté de vie : les époux s’engagent à vivre ensemble.
Le non-respect de ces obligations peut constituer une faute justifiant le divorce.
3. Quels comportements peuvent être considérés comme fautifs ?
Les motifs les plus fréquemment avancés dans les demandes de divorce pour faute incluent :
- Adultère : une relation extraconjugale constitue une violation du devoir de fidélité.
- Violences conjugales : qu’elles soient physiques ou psychologiques, elles enfreignent le devoir de respect.
- Abandon du domicile conjugal : quitter le domicile sans motif légitime peut être considéré comme une faute.
- Manquement au devoir d’assistance : ne pas soutenir son conjoint en cas de maladie ou de difficulté financière.
- Conduites addictives : l’alcoolisme, la toxicomanie ou d’autres addictions perturbant la vie familiale.
Il est essentiel de noter que certaines fautes peuvent être excusées si elles sont provoquées par le comportement de l’autre époux.
4. Comment prouver une faute dans le cadre du divorce ?
Le divorce pour faute repose sur l’administration de la preuve. Les éléments fournis au juge doivent être convaincants, licites et pertinents. Il peut s’agir de témoignages écrits, d’échanges de courriels ou de messages, de constats d’huissier, de certificats médicaux, ou encore de dépôts de plainte. L’article 259 du Code civil autorise l’usage de tous modes de preuve dans ce cadre, à condition qu’ils n’aient pas été obtenus par violence ou fraude.
Par exemple, un constat d’adultère réalisé par un huissier est un élément recevable. De même, des attestations circonstanciées de proches (rédigées selon l’article 202 du Code de procédure civile) ont une valeur probante. Pour encadrer cette collecte de preuves, il est fortement recommandé d’être accompagné par un avocat dès le début de la démarche.
5. Quels sont les effets juridiques d’un divorce pour faute ?
La reconnaissance d’une faute par le juge peut avoir des répercussions importantes sur les relations entre les ex-époux. Si le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un, l’autre époux peut, dans certaines conditions, demander des dommages et intérêts sur le fondement des articles 266 et 1240 du Code civil. Toutefois, ces indemnisations sont rares et limitées à des préjudices d’une certaine gravité (atteinte à l’image, souffrance morale exceptionnelle…).
Par ailleurs, le juge peut refuser d’accorder une prestation compensatoire à l’époux fautif, en tenant compte des circonstances particulières de la rupture. Toutefois, les décisions concernant les enfants (résidence, droit de visite, pension alimentaire) ne sont pas influencées par les fautes invoquées, mais uniquement par l’intérêt supérieur de l’enfant, comme le rappelle régulièrement la jurisprudence.