Divorce pour faute : Qu’advient-il de la prestation compensatoire ?

Le divorce pour faute, bien qu’aujourd’hui moins fréquent que d’autres types de séparation, soulève encore des interrogations, notamment en matière de prestation compensatoire. Cette indemnité vise à corriger un déséquilibre de niveau de vie entre les époux après le divorce. Mais que se passe-t-il lorsque l’un des conjoints est déclaré fautif ? La faute exclut-elle automatiquement le droit à compensation ? Le droit français, profondément réformé en 2004, apporte une réponse nuancée à ces questions.

Le divorce pour faute et la réforme de 2004

Avant la loi du 26 mai 2004, un époux reconnu responsable de la rupture du mariage, lorsqu’il était déclaré fautif, se voyait automatiquement privé de toute prestation compensatoire. Cette approche plaçait la notion de responsabilité au cœur des conséquences financières du divorce.

Depuis la réforme opérée par la loi n°2004-439, les choses ont changé. Le droit distingue désormais la cause du divorce de ses effets patrimoniaux. En d’autres termes, le fait qu’un époux soit déclaré fautif n’empêche plus automatiquement l’octroi d’une prestation compensatoire. L’objectif du législateur est de recentrer l’analyse sur l’équité économique et non sur la culpabilité.

La jurisprudence confirme cette évolution. Le juge peut désormais accorder une prestation compensatoire à un époux fautif, s’il estime qu’un déséquilibre existe entre les conditions de vie respectives des parties. Cette décision s’inscrit dans le cadre des principes posés par l’article 270 du Code civil.

Qui peut bénéficier de la prestation compensatoire ?

La prestation compensatoire est réservée aux époux légalement mariés, dans le cadre d’un divorce judiciaire. Elle ne concerne ni les partenaires de PACS, ni les concubins. Elle peut être demandée dans toutes les formes de divorce, y compris pour faute.

Elle a pour but de corriger un déséquilibre de niveau de vie causé par la rupture, en particulier lorsque l’un des conjoints a renoncé à sa carrière ou réduit son activité pour les besoins du foyer. L’époux qui subit un préjudice économique manifeste à la suite du divorce peut donc, sous certaines conditions, demander cette prestation, même s’il est à l’origine de la rupture.

Il revient au juge de déterminer si ce déséquilibre existe et s’il justifie une compensation financière, dans le respect du principe d’équité énoncé à l’article 271 du Code civil.

Comment est calculée la prestation compensatoire ?

La prestation compensatoire peut être fixée de deux manières : soit par un accord amiable entre les époux, soit par le juge en cas de désaccord. Dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel ou d’une entente partielle, les parties peuvent convenir librement du montant, de la forme et des modalités de versement de cette indemnité. Cet accord est ensuite soumis à l’homologation du juge.

En l’absence d’accord, le juge décide seul du montant, après avoir examiné la situation économique des deux époux. Aucun barème légal ne s’impose. Le juge évalue les circonstances au cas par cas, sur la base d’un ensemble d’éléments :

  • la durée du mariage ;
  • l’âge et l’état de santé de chacun ;
  • la situation professionnelle et les qualifications ;
  • le patrimoine présent et futur ;
  • les droits à la retraite ;
  • les choix de vie ayant impacté la carrière professionnelle, tels que l’éducation des enfants ou la gestion du foyer.

L’indemnité est fixée en capital, versé en une seule fois ou de façon échelonnée. À titre exceptionnel, elle peut aussi prendre la forme d’une rente viagère, notamment en cas d’impossibilité manifeste pour l’époux bénéficiaire de retrouver une autonomie financière.

Les formes possibles de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire prend généralement la forme d’une somme d’argent versée à l’époux bénéficiaire. Toutefois, la loi autorise également d’autres modalités d’exécution, selon les situations patrimoniales :

  • versement d’un capital en numéraire, en une fois ou selon un échéancier ;
  • remise d’un bien mobilier ou immobilier ;
  • rente viagère, dans les cas les plus complexes ou en l’absence de ressources suffisantes.

Le choix de la forme dépend des facultés financières du débiteur et des besoins de l’époux créancier. Il appartient au juge d’apprécier la solution la plus équitable, en tenant compte de l’ensemble des éléments soumis au débat.

Peut-on refuser une prestation à l’époux fautif ?

La loi ne prévoit pas d’exclusion automatique du bénéfice de la prestation compensatoire en cas de faute. Toutefois, le juge peut refuser d’en accorder une si les ressources de l’époux fautif sont suffisantes, ou si le déséquilibre économique ne paraît pas caractérisé.

Dans certains cas extrêmes, la faute peut influencer la décision du juge. Il conserve en effet une certaine liberté d’appréciation, notamment en cas de comportement manifestement abusif ou de mauvaise foi de la part du demandeur.

Une prestation due dès le prononcé du divorce

La prestation compensatoire devient exigible dès que le jugement de divorce est définitif. La Cour de cassation (1re Civ., 23 juin 2021, n° 20-12.836) a rappelé que l’obligation de versement prend effet à la date du jugement, et non rétroactivement. Le droit à prestation ne dépend donc pas du moment de la demande, mais bien de la reconnaissance officielle de la dissolution du mariage.