Peut-on déshériter un fils ou une fille ? Quelles conséquences ?

En France, le principe de la réserve héréditaire interdit de priver totalement un enfant de son héritage. Ce droit est protégé par le Code civil et encadré par des règles précises. Toute tentative de déshéritement peut être contestée en justice.

La réserve héréditaire : un droit protégé par la loi

La réserve héréditaire est la part minimale de l’héritage qui revient obligatoirement aux enfants du défunt. Elle est définie à l’article 912 du Code civil. Ce droit s’applique quel que soit le lien affectif entre le parent et l’enfant au moment du décès.

Un parent ne peut donc pas priver son enfant de cette part, même s’il rédige un testament en ce sens. Toute disposition testamentaire qui porterait atteinte à cette réserve peut être contestée par l’enfant lésé.

La jurisprudence confirme cette protection. Par exemple, dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 3 novembre 2017 (n° RG : 16/03329), les juges ont rappelé que les enfants, en tant qu’héritiers réservataires, priment sur le conjoint survivant lorsqu’ils sont en concurrence dans la succession.

Réserve héréditaire et quotité disponible : une distinction importante

La réserve héréditaire ne couvre pas l’intégralité du patrimoine du défunt. La part restante, appelée quotité disponible, peut être librement transmise à la personne de son choix : conjoint, autre enfant, ami, ou œuvre caritative.

Le montant de la réserve dépend du nombre d’enfants :

  • 1 enfant : la réserve est de la moitié du patrimoine
  • 2 enfants : les deux tiers sont réservés
  • 3 enfants ou plus : les trois quarts sont réservés

Il est donc possible de favoriser un enfant ou une tierce personne, dans la limite de la quotité disponible, mais pas de déshériter totalement un enfant. En pratique, cela signifie que si un parent souhaite désavantager un enfant, il ne pourra le faire que dans cette marge autorisée.

Héritier indigne : une exception au principe

Il existe toutefois des exceptions à la règle de la réserve héréditaire. Un enfant peut être exclu de la succession s’il est déclaré indigne d’hériter. Les cas d’indignité sont prévus aux articles 726 et 727 du Code civil. Cela concerne notamment les situations suivantes :

  • Condamnation pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt
  • Violences graves ayant entraîné la mort ou la mise en danger du défunt
  • Privation de droits civils par décision de justice

Dans ces cas, l’exclusion de la succession peut être automatique ou prononcée judiciairement. Cette sanction juridique vise à protéger la mémoire du défunt et à faire primer la morale sur le droit successoral.

Annuler un testament qui porte atteinte à la réserve héréditaire

Lorsqu’un testament semble déroger au droit successoral, il est possible d’en demander la nullité. Plusieurs motifs peuvent être invoqués pour contester un testament :

  • Vice de forme : testament non rédigé à la main, non daté ou non signé (testament olographe)
  • Vice du consentement : pression morale, abus de faiblesse, dol, ou altération des facultés mentales du testateur. L’article 901 du Code civil précise que le testateur doit être sain d’esprit.
  • Faux ou contrefaçon : désaveu d’écriture prévu par l’article 1373 du Code de procédure civile.

Les héritiers peuvent alors saisir le tribunal judiciaire afin de faire respecter leur droit à la réserve héréditaire.

Succession internationale : quand le droit étranger s’applique

Le droit français ne s’applique pas toujours si le défunt résidait à l’étranger. Dans certains pays, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, la liberté testamentaire est totale et permet de déshériter un enfant.

Selon le règlement européen n°650/2012, le droit applicable à la succession est celui de la résidence habituelle du défunt. Toutefois, si une partie du patrimoine est située en France, la réserve héréditaire pourra s’y appliquer pour les biens localisés sur le territoire national.

Anticiper les conflits successoraux

Si le droit français interdit formellement de déshériter un enfant, il est toutefois possible d’anticiper et d’organiser sa succession. Donations, testaments équilibrés ou pactes successoraux permettent d’éviter les conflits familiaux à venir.

Une bonne planification successorale, conforme aux règles légales, permet de concilier volonté personnelle et respect des droits des héritiers réservataires.